Extrait de Claudius
Bombarnac (1892)
par Jules Verne
(...)
- La vitesse ai-je répondu, c'est gagner du temps et gagner du temps...
- Le temps n'existe pas en Chine, monsieur Bombarnac, et il ne peut exister pour une
population de quatre cents millions d'hommes. Il en resterai trop peu pour chacun. Aussi
n'en sommes nous nous-même pas à compter par jours et par heures... C'est toujours par
lunes et par veilles...
- Ce qui est plus poétique que pratique, ai-je répondu.
- Pratique, monsieur le reporter! En vérité, vous autres Occidentaux, vous n'avez que ce
mot à la bouche! Etre pratique, mais c'est être esclave du temps, du travail, de
l'argent, des affaires, du monde, des autres, de soi-même! Je vous l'avoue, pendant mon
séjour en Europe, je n'ai guère été pratique, et maintenant, revenu en Asie, je ne le
serai pas davantage. Je me laisserai vivre, voilà tout, comme le nuage se laisse emporter
par la brise, le brin de paille par le courant, la pensée par l'imagination."
[Claudius Bombarnac], Jules Verne