Extrait d'un article
d'Anatole Le Braz (1906)
Jules Verne a apporté la poésie de l'espace ,le frisson de
l'infini(...). Comparez vous même le monde, le monde sans borne où nous fait entrer
Jules Verne avec celui que nous peignent nos romans habituels, et mesurez la différence.
Le roman moderne, c'est l'air du salon, du boudoir, souvent de l'âlcove; c'est l'air
renfermé. Le roman de Jules Verne, c'est l'air libre, c'est l'air vierge, c'est l'air
irrespiré. On sent passer à travers ses poumons, quand on le lit, de grands souffles
géants venus des profondeurs de l'illimité. On est enlevé à son petit coin de boue
terrestre, à la petite banalité quotidienne, à la médiocrité des jours quelconques
confinés dans la médiocrité des mêmes horizons clos. On devient un citoyen du monde,
au sens littéral du terme. Devant nous se déroule le décors universel. Nous prenons
possession de toute la terre, de tout le firmament. Mieux encore, nous prenons conscience
du cosmos.(...) Il y a là une poésie grandiose, une poésie qui n'est plus humaine
seulement, mais planétaire, interplanétaire, si j'ose ainsi parler.(...) Jules Verne a
l'imagination cosmique. Cela est rare et beau. L'homme qui a possédé un tel don, a un
tel degré, peut n'avoir pas été un écrivain de premier ordre. Qui osera nier qu'il ait
été un poète, un visionnaire magnifique, un puissant créateur?...
Anatole Le Braz (dans la 'Revue de la Bretagne', 1906)